Lorsque la médiation hospitalière s’invite dans des parcours de fin de vie ou dans des contextes institutionnels lourds, elle porte une charge symbolique forte. Les deux récits suivants témoignent d’une médiation à la fois délicate, humaine et profondément institutionnelle.
Cas de médiation hospitalière n° 5 et 6,
Présentés par l’auteur
Un patient jeune, âgé de 35 ans, atteint de cancer en phase palliative, suivi dans un CHU parisien, puis en soins palliatifs à domicile, est hospitalisé pour une aggravation brutale, et il est vu pour la première fois aux urgences de l’hôpital général. L’équipe des urgences ne se concerte pas assez clairement avec l’équipe de soins palliatifs, le traitement de la douleur est inadéquat, le patient dénudé n’a pas, pour la famille, sa dignité respectée. Après 48 heures, le patient est transféré dans l’unité de soins palliatifs locale, où sa prise en charge convient, mais le décès survient dès le lendemain.
La plainte de la famille est adressée, non seulement à l’établissement, mais aussi à l’Agence régionale de santé (ARS), au Conseil de l’ordre, et au ministre de la santé… Des sanctions sont réclamées. Une médiation est acceptée, avec entretien d’une heure, où la famille maintient sa colère et son besoin de sanctions. Ultérieurement, le Conseil de l’ordre recevra deux des médecins mis en cause, sans suite, et l’ARS fera une demande circonstanciée à l’établissement de modifications dans l’accueil des patients en phase palliative, les modalités et la traçabilité de gestion des antalgiques. Trois ans après, ces déroulements ont semblé arrêter l’action de la famille, sans demande d’indemnité ou poursuite de la plainte.
L’autre cas concerne un patient de 50 ans, atteint d’une pathologie chronique psychique, suivi de longue date en ambulatoire. Il est aussi agent de l’établissement où il sera hospitalisé, comme sa compagne, qui est aide-soignante dans le même hôpital. Après 6 semaines d’hospitalisation, le plus souvent en isolement strict, le patient, toujours perturbé, est retrouvé décédé un jour à midi. La réanimation ne peut rien, et pense à une fausse route alimentaire. Une autopsie pratiquée confirme cette cause du décès, sans aucune cause associée retrouvée.
La famille adresse une réclamation concernant les modalités de l’hospitalisation, information défaillante, problèmes d’hygiène constatés lorsque les visites étaient permises, et conditions de l’annonce du décès inadéquates, annonce par téléphone, puis réception inadaptée de la famille. La plainte concerne en outre la réaction de l’établissement après la mort d’un de ses agents, trop limitée et choquante pour la famille. La médiation, acceptée, sera conduite en navettes multiples, avec la compagne, les psychiatres, les soignants du service, en concertation avec les responsables qualité de l’établissement, et avec l’objectif d’une rencontre avec l’ensemble des personnes impliquées. Le médiateur note en particulier les conditions et la longueur de l’isolement, alors que ceci fait l’objet de contraintes réglementaires très strictes, et même de remarques à l’établissement, lors d’une visite antérieure de la commission privation de libertés. La compagne recevra le médiateur à son domicile à deux reprises, pour la médiation, et pour transmettre, avec accord de l’administration hospitalière, le résultat de l’autopsie, la seconde fois pour remettre le compte rendu de médiation. Une partie de la famille, mère et sœur du patient, ne participe pas à la médiation, demande à rencontrer la direction, ce qui est fait, mettant fin à la médiation. La rencontre avec la direction aboutit à une demande d’indemnisation amiable, non acceptée par l’assurance de l’établissement, qui ne reconnait pas de dysfonctionnement. On ne sait pas si ceci clôt la plainte ou si elle va se poursuivre.
En conclusion de la journée
Le président de l’association des médecins médiateurs a rappelé notamment que le mot « médiation », recouvre trois réalités différentes, concernant le monde de la santé :
- La médiation pour usagers et soignants, médiation hospitalière pour l’essentiel.
- La médiation pour conflits inter professionnels, structurée depuis 3 ou 4 ans seulement.
- La médiation interculturelle, ou médiation d’accompagnement de personnes éloignées du système de santé, figurant dans la Loi Santé de 2016, qui s’appuyait elle-même sur des expériences et pratiques plus anciennes.
Denis MECHALI,
Médecin, adhérent de MDPA, médiateur en milieu hospitalier.
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