Médiation hospitalière face à la défiance – Bordeaux

Parfois, le conflit ne se résout pas d’un échange. Il s’installe, s’enracine, jusqu’à ce qu’une tentative de médiation permette, au moins en partie, de mettre des mots sur l’impasse. Les deux cas suivants, portés par l’équipe de Bordeaux, illustrent les fragilités de la relation soignant-soigné quand la confiance est entamée.
Cas de médiation hospitalière numéro 3, Bordeaux.
« Un cas complexe qui se simplifie »
Il s’agit d’un patient de 75 ans, qui subit une opération cardiaque réputée favorable, mais qui, après 48 heures en réanimation, décède de façon brutale au 7ème jour en service de médecine. La famille envoie une lettre de plaintes argumentée et violente, dénonçant la façon dont les choses se sont passées, sortie trop rapide de réanimation, et information défaillante pour le patient et pour eux, famille. Le courrier contient 25 demandes précises d’éclaircissement. Le médiateur, saisi, étudie le dossier, une réponse est proposée, mais la famille la rejette, disant que 6 points sont restés sans réponse…. Parmi leurs questionnements, ils soupçonnent le chirurgien cardiaque du patient, et chef de service, de ne pas avoir réalisé lui-même l’intervention, dénoncent une « dignité non respectée » en cours de suivi du fait d’un séjour en chambre à 2 lits et de la pose d’une sonde urinaire, se plaignent de l’absence d’un soutien psychologique malgré une demande explicite, et, après le décès, de ne pas avoir eu un entretien personnel avec le chirurgien. Une rencontre est alors organisée avec la famille, le chirurgien concerné, et le médiateur. Le chirurgien précise qu’il a bien opéré lui-même le patient, que la psychologue avait bien été sollicitée mais n’avait pu se rendre disponible, que la sortie de réanimation était normale, du fait de suites simples initiales, et que le décès était lié à un trouble du rythme brutal non prévisible. Il présente ses excuses, dit que l’ensemble de son équipe sera informée du cas, et propose une rencontre personnelle avec lui à l’issue de la médiation. La famille accepte ces nouvelles explications, et « la médiation complexe initialement devient une médiation simple » …
Cas de médiation hospitalière numéro 4, Bordeaux.
Un patient est suivi depuis plus de 10 ans en dermatologie pour une pathologie chronique sévère. Les rapports avec lui sont en permanence difficiles, il ne respecte pas les rendez-vous, insulte les soignants, se montre exigeant et agressif. En même temps, il assure la cheffe de service du fait qu’il « a confiance dans le service » et ne veut pas être soigné ailleurs…. Il finit par accepter une médiation, où il vient avec un ami, médiation sollicitée par la cheffe de service. Il maintient sa position, disant que « c’est lui qui souffre », que l’on ne respecte pas sa dignité lorsqu’il doit se déshabiller devant des soignantes (femmes), et qu’en outre, il est persuadé d’avoir un abcès à l’aine, expliquant ses douleurs, et qu’il n’ira mieux qu’une fois opéré. Il n’y a pas d’abcès, ni cliniquement, ni en échographie, mais le patient ne le croit pas, et se plaint de ne pas avoir eu l’IRM qu’il réclame. On lui explique que ses douleurs sont séquellaires d’une atteinte antérieure, sans abcès actuel, et qu’une partie d’entre elles sont sans doute psychologiques, par retentissement du passé et de son ressenti. Le patient dénie ces explications. On lui propose néanmoins un cadre de comportement, strict, explicite, via un document qu’il accepte de signer. Ceci calmera la situation deux mois environ, puis la situation repartira comme avant… Cette médiation montre les limites souvent observées. Le psychiatre fera remarquer que ce patient est typiquement atteint de paranoïa, et que dans ces cas, toujours difficiles, c’est le rapport à la Loi, les textes, des cadres de conventions explicites et écrits, qui peuvent limiter un peu les difficultés, parfois au moins.
La médiation ne résout pas tout. Mais même lorsque la situation semble figée, elle peut laisser une trace : une parole donnée, un cadre posé, une équipe mobilisée. D’autres récits viennent éclairer encore les tensions les plus aiguës du soin.
Denis MECHALI,
Médecin, adhérent de MDPA, médiateur en milieu hospitalier.
Ne manquez plus un seul article! Inscrivez-vous à "La lettre de MDPA" et recevez nos articles exclusifs en avant-première.
Rejoignez notre communauté de lecteurs engagés pour découvrir des ressources inspirantes sur la médiation!
Pour s'abonner à "La lettre de MDPA", utilisez le formulaire situé ci-dessous en pied de site