La médiation à l’hôpital

Le contexte de la médiation à l’hôpital
- L’hôte : L’hôpital d’Annecy, avec ses deux médecins médiateurs, et la cadre médiatrice non médicale.
- Les participants : trente personnes présentes ; six, « en visio » ; deux membres de la Commission des droits des usagers (CDU).
- Les intervenants : pour la plupart, des adhérents médecins médiateurs des hôpitaux de Bordeaux, Roanne, Lyon, Paris, Saint Denis, Dijon, Grenoble, mais aussi une équipe de trois personnes venant, en voisins, des hôpitaux universitaires de Genève (où un « espace médiation » existe depuis déjà 15 ans).
Les échanges sur la médiation en milieu hospitalier : une réponse variable à des demandes fortes ; et aussi beaucoup de questions !...
L’équipe d’Annecy évoque la question du secret médical, via son comité d’éthique, la responsable de la chambre funéraire, et une représentante de la direction affaires juridiques. Sont présentées des médiations « complexes », d’autres « simples » (s’agissant notamment de patients décédés, et des plaintes ayant trouvé une solution à l’issue de la médiation). L’actualité autour de l’évolution possible de la Loi concernant la fin de vie nourrit les échanges (exposés autour des directives anticipées, et de la Loi Clays Leonetti, notamment la possibilité, les modalités, mais aussi les limites de la sédation profonde et continue). En particulier, la responsable de la chambre funéraire fait état du dispositif mis en place à l’intention des proches, concernant les décès brutaux de personnes jeunes, loin de la famille dans cette région très « sportive » d’Annecy : information, accueil, rapidité des formalités pour permettre à une famille d’arriver, de voir le défunt avant inhumation, de « parler et faire parler du défunt », pour atténuer un peu la brutalité de l’annonce et du chagrin. Ce dispositif représente certainement une prévention de plaintes, et en tout cas une aide pour le travail de deuil individuel ensuite. Un philosophe associé au comité d’éthique évoque, « en quelques minutes », la question de la communication, de l’écoute active selon Carl Rogers (« Toute douleur n’est pas soluble dans le dicible ») Il cite cette phrase issue d’une sagesse Africaine : « Si tu parles à quelqu’un qui ne t’écoute pas, tais-toi, et écoutes le… Si tu l’écoutes, tu comprendras peut-être pourquoi il ne t’écoutait pas ». A méditer pour les médiateurs !
L’écart entre la « communication » et la réalité de terrain : l’exemple genevois.
Tous les participants de la journée ont reçu à l’entrée de la salle un petit dossier contenant un catalogue de présentation des activités de l’hôpital d’Annecy, donnant des chiffres, les actions multiples menées, le dynamisme de la structure, mais pas un mot n’y figure concernant la place des usagers, la commission des usagers, ou la gestion des plaintes et la médiation ! Le médecin médiateur à qui je le signale me dira « qu’il n’avait pas remarqué » et que ce document « avait été conçu avant tout par le service de la communication » ! Ce petit fait illustre la place encore limitée, et chargée d’ambiguïtés, de la médiation médicale au sein des hôpitaux, et, par contraste, met en valeur la médiation genevoise : l’espace médiation, géré par trois personnes rattachées à la direction des affaires juridiques, dispose d’une forte indépendance d’action, ce qui permet de disposer à la fois d’un cadre clair pour agir et d’une grande souplesse dans les mises en œuvre. L’équipe concernée, rencontre librement, patients, familles, soignants. Les difficultés repérées, avant même qu’il soit question de plaintes formelles, font l’objet de rencontres, et souvent de « navettes », de l’un à l’autre : Ainsi ces médiations préventives désamorcent nombre de malentendus et de conflits. L’espace médiation complète son action par des rencontres plus structurées si besoin, de médiation pour l’ensemble des acteurs, patients, soignants, administratifs. Près de 800 personnes sont ainsi rencontrées chaque année, avec 50% de patients, 40% de familles, et 10% de professionnels divers, de l’établissement, ou extérieurs, comme les médecins traitants des patients. Le contenu des rencontres concerne à 40% des problématiques médicales, 25% paramédicales, et 10% administratives. A signaler quand même : cette réalisation, au bilan positif, n’a pas essaimé largement en Suisse même.
Et en France : quelle médiation ? Avec quels médiateurs ?
En France, la place des usagers est croissante, mais parfois freinée par divers obstacles, dont un formalisme et un formatage administratif qui en limitent l’impact, même actuellement, dans un système hospitalier et de santé pourtant globalement en crise. Et on peut regretter que la médiation en France reste figée sur la médiation médicale hospitalière issue de la Loi droits des patients, déjà ancienne de 20 ans. Le président de l’AFMM évoque un livre récent de Claude Evin, ancien ministre de la santé, et ancien responsable de l’ARS Ile de France, très critique sur les modalités actuelles de la médiation hospitalière, soulignant le manque d’indépendance des médiateurs, et une pratique tronquée, ne respectant pas les critères d’une médiation qui doit concerner l’ensemble des protagonistes, donc soignés et soignants impliqués, avec proposition de résolutions issues de l’échange, le médiateur restant dans son rôle de « tiers neutre ». Mais il reproche à son auteur (Claude Evin), de dénigrer le dispositif existant, et de vouloir remplacer les médiateurs médicaux par des médiateurs extérieurs, qui mettraient en avant le principe d’indépendance des médiateurs dans le seul but de promouvoir un « lobby de médiateurs ».
Or, plutôt que de se crisper, il serait utile de s’appuyer sur un regard critique pour proposer des évolutions nécessaires, comme l’illustrent nos articles à venir.
Denis MECHALI,
Médecin, adhérent de MDPA, médiateur en milieu hospitalier.
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