En tant que participante au congrès d’Angers, Marie-Hélène Bergoni a suivi plusieurs échanges riches sur les nouveaux visages de la médiation.
Du 12 au 14 mars 2025, cet événement a réuni des acteurs de terrain venus interroger la place de la médiation dans une société en mutation.
Parmi les temps forts, cette table ronde a permis de croiser les regards sur les conflits familiaux, intergénérationnels ou médico-sociaux et sur la manière d’y répondre.
Participants à la table ronde
- Laurent Drugeon, modérateur / Coordonnateur de formation (CDF), référent politique de l’amiable au sein de l’ENM- (École Nationale de la Magistrature), Docteur en Droit (Paris II Panthéon-Assas), enseignant en université, avocat (Rennes), formateur en médiation et membre du comité de coordination de l’IFOMENE (ICP). Vice-Président de la FFCM, Co-Président de la FCMGO et Co-Président du GIMES (médiation en santé et médico-social) - France ;
- Frédérique Agostini, grand témoin / Première Présidente du Conseil National de la Médiation (CNM), Conseillère à la Cour de cassation - France ;
- Thomas Pretot, intervenant / Directeur Médiation France chez Clariane et Médiateur assermenté des Cours d'Appel Rennes et Paris, Formateur et co-auteur, avec Jacques Salzer, de l’ouvrage Comprendre et être compris pour décider ensemble, publié chez L’Harmattan - France ;
- Philippe Cazagnes, intervenant / Ancien magistrat administratif, nouveau médiateur national de Clariane France, vice-président de Gemme France et membre du Conseil National de la Médiation (CNM) - France ;
- Violaine Belzile, intervenante / Avocate, médiatrice familiale, civile et commerciale et arbitre accréditée – Canada ;
Nathalie Bonnaud-Choukroun, intervenante / Notaire associée depuis 18 ans, Présidente du Centre de médiation des notaires de l’Essonne – France.
Le rôle des notaires dans le développement de la médiation
Pour Nathalie Bonnaud-Choukroun, pour développer la médiation il faut sensibiliser les notaires car elle n’est pas assez connue :
Le notaire doit « penser médiation » pour orienter les dossiers.
Deux freins peuvent apparaitre alors :
- Le dossier de succession est bloqué pendant la médiation ;
- Le notaire n’est pas payé tant que la succession n’est pas clôturée.
D’autre part, la médiation peut être mobilisée dans la prévention de différend lors du vivant du couple : une médiation peut être envisagée lors d’une donation au dernier vivant. Il s’agit de mettre en place une « prévoyance relationnelle » ou « médiation projet » avant que la crise n’explose.
Médiation intergénérationnelle et vulnérabilités
Pour Violaine Belzile, le contexte est important de la situation. Dans une médiation intergénérationnelle il s’agit de prendre en considération :
- Les relations dans le temps ;
- La transmission ;
- L’équilibre/déséquilibre des pouvoirs ;
- La vulnérabilité des parties ;
- Le maintien de la relation ;
- La famille recomposée ;
- Le droit (article 611 du code civil)
Les vulnérabilités possibles sont également à considérer :
- La santé ;
- L’âge des protagonistes ;
- L’alcoolisme, la toxicomanie des parents ou des enfants ;
- Un inceste dans la génération antérieure ;
- Le droit de chacun : comme les parents et l’autorité parentale, comme grand-parent et les relations avec les petits enfants.
Lors des conflits les motivations peuvent être juridiques, primaires (en relation avec les besoins) et secondaires (en relation avec les valeurs).
La solution doit être pertinente, réaliste et en lien avec les besoins communs et respectables.
Pour être ensemble sans se heurter, il est nécessaire de rétablir les bases porteuses de la communication grâce à la posture du médiateur, la tranquillité dans les échanges, la confiance dans le tiers neutre et impartial.
En résumé ; créer un modus operandi positif pour tous.

La médiation face aux tensions autour des EHPAD
Pour Philippe Cazagnes, les relations des Français avec les EHPAD sont empreintes de violence et fantasme.
En effet, la décision de placer un parent est difficile à prendre pour leurs enfants. Les situations sont assez dramatiques pour les familles. Quand les ainés sont admis en EHPAD, il y a renversement de leur position : les enfants deviennent parents de leurs parents.
En EHPAD, 80% des résidents sont des mères, et l’âge moyen est de 85 ans.
Cette mère se retrouve au cœur des préoccupations de la famille et de l’établissement. Elle transfère son domicile privé avec son intimité, avec l’accès privé (et le pouvoir de ne pas donner accès à qui elle veut) dans l’établissement. Face à cette intimité, les règles de règle de vie en commun, règles des soins viennent perturber le résident.
Les résidents sécurisés s’adaptent à leur nouvelle résidence assez bien mais les familles mettent plus de temps, notamment à cause de la culpabilité. La santé de la personne va se dégrader au fil du temps, elle ne quittera pas cette dernière demeure. Les familles vivent un traumatisme à l’entrée de la personne et à sa sortie de l’EHPAD.
Tout concoure à faire de ces moments des moments très douloureux et donc un recours possible pour la médiation. A cela se rajoute les problèmes liés à l’EHPAD, notamment au manque de personnel. Lorsque les familles se plaignent, des médiations sont proposées avec les familles mais sans le résident. Il n’y a pas de réclamations ou de demande de la part du résident mais de la famille.
Médiation dans le secteur médico-social
Pour Thomas Pretot, le résident et l’organisme signe un contrat mais c’est la famille qui s’exprime. La structure doit faire une place à la famille qui a une part intégrale dans celle-ci. Les structures doivent être sensibilisées à la médiation pour traiter les conflits fréquents dans le secteur médico-social, autant à la médiation préventive qu’à la médiation RH. Il faut communiquer et travailler la confiance et le relationnel.
La médiation chez CLARIANCE c’est :
- Un dispositif de médiation de la consommation pour les questions de services et les petits conflits pouvant vite dégénérer ;
- Un dispositif de médiation en interne, interpersonnelle entre des collaborateurs avec des collègues formés à la médiation ;
- Un dispositif de médiation conventionnelle envers les familles pouvant être activée par la famille ou le directeur de l’établissement.
Des médiateurs externes interviendront pour entendre les parties impliquées ainsi que les éléments sous-jacents.
Informer sur le dispositif de la médiation dans la santé et le médico-social, former les personnels soignants et recourir à la médiation pour lever les malentendus, voilà les moyens de renouveler la médiation auprès des familles.
Médiation familiale et enjeux contemporains
Pour Frédérique Agostini, la question du développement de la médiation familiale est posée.
La dépendance des résidents en EHPAD est de plus en plus large. Les familles et leurs ainés sont dans une situation d’asymétrie et de vulnérabilité face à ces structures d’accueil.
Dans ce cadre, la médiation peut prévenir les conflits et rétablir les liens dans ces situations au cœur de l’affect et de l’intimité. Elle peut garantir également la liberté des personnes et leur autonomie à gérer leur vie. Les litiges en médiation familiale sont souvent confiés par les juges à des médiateurs titulaires du diplôme de médiateur familiale (DEME).
Bien que les outils utilisés en médiation de la consommation ou en médiation administrative, peuvent être utilisés pour régler des litiges familiaux, de nouveaux outils de médiation spécialisés se développent tels que le modèle de consensus parental, le coaching parental ou la « médiation par le faire ». Ils sont mobilisés dans des situations complexes.
De nouveaux acteurs dans l’intérêt de l’enfant apparaissent tels que les auditeurs de l’enfant.
La question du financement de ces médiations est posée, à savoir faut-il une spécificité de leur financement et des barèmes adaptés au traitement des litiges ?
Enfin, une autre spécificité de la médiation familiale est sa temporalité : quand la faire ?
« Il n’est jamais trop tard mais ce n’est jamais le bon moment ! »
Marie Hélène BERGONI,
Médiatrice et Vice-présidente de MDPA.