Texte de la chanson éponyme - Métacommunication
Les Mécanismes du Conflit en Médiation : Identification, Projection et Ego
Parmi les nombreux concepts contenus dans la chanson « Le monde a besoin de médiateurs», ce texte n’en développe que cinq : l’identification, la projection, l’ego, l’ajustement conservateur, et l’ajustement créateur. Une chanson pour un monde en tensions qui, au lieu d’affronter sa peur du changement, préfère rester dans sa zone d’inconfort dans un perpétuel ajustement conservateur de conflits. Où les identifications à des croyances aveugles, qui ont du mal à s’écouter et s’entendre, sont des racines si ancrées dans les mentalités qu'elles empêchent de voir la lumière de l'altérité. Un monde où nos projections-miroirs, par illusion d’optique, voient dans l’autre la partie sombre de nous-mêmes. Où l’ego dysfonctionnel - le plus grand frein à l’esprit même de la médiation - vient renforcer ces murs en béton, armés pour imposer les vertus de cette cage de l’entre-soi.
Ces quatre messagers de l’ombre nous font miroiter une zone de confort illusoire, en nous manipulant dans notre relation à l'autre : différent → étrange(r) → menace → ennemi → exclusion. Ces contaminations sont aussi à l'origine des pires fléaux de l’humanité, notamment des préjugés, avec pour corollaire de renforcer le sentiment d'insécurité, en plus d'entretenir la paranoïa – la seule maladie mentale qui soit réellement contagieuse – pour alimenter le cycle infernal de la violence : Identification → Sentiment d’insécurité → Peur → Projection → Défense → Attaque. Et pour cause ; la meilleure défense c’est l’attaque. Avec, comme entre autres stratégies, le DARVO : (Deny, Attack, and Reverse Victim and Offender), qui vise à nier, attaquer et redéfinir la réalité en inversant les rôles, victime et agresseur. C’est la tactique utilisée par les gens du pouvoir quand ils sont accusés. Elle consiste non seulement à se faire passer pour victime mais aussi à blâmer la vraie victime afin de justifier l’attaque. Attaque, boostée par un ego, manipulateur et surdimensionné, qui n’a d’égal que la toute-puissance du syndrome d’Hubris. Ce cycle-pattern est applicable à toutes sortes de conflits, où deux parties ou plus se déchirent, avec une violence plus ou moins invisible selon le degré de manipulation de la vérité. Sachant que plus le monde se divise, plus la vérité se perd dans les abîmes de ses déchirements. La recherche de la vérité étant déjà une plongée dans l’Abîme en soi, ou chacun trouve sa vérité. Il en est de même pour la réalité.
Dualité de l'Ajustement en Médiation : Créateur vs. Conservateur
Aux antipodes de l’empathie, de l’altérité, et de la paix, ces quatre mécanismes de défense du moi – et donc de l’ego – sont le « pourquoi » du problème. Ce sont les pires générateurs de conflits dans le monde, par leur puissance inconsciente. En effet, ils font appel au cerveau reptilien dont le fonctionnement alimente la phobie de l'autre jusqu'à en faire une question de sécurité, voire de survie. C’est ainsi que la peur du cerveau reptilien – après avoir colonisé le limbique et neutralisé par manipulation la raison du néocortex – l’emporte pour former la cage de l’entre-soi. Plus l’identification à un groupe d’appartenance à cette cage est extrême, plus on projette une antipathie irrévocable pour qui n’en fait pas partie. Cela induit de rejeter l’autre, non seulement pour ce qu’il a dit ou fait, ad hominem, mais en plus, ad personam, pour ce qu’il est : autre. Une escalade qui peut aller jusqu’à attaquer l’autre pour ce qu’il pourrait faire, en tant que stéréotype présumé graine de violence. Dès lors, on ne pense plus, sinon avec un seul postulat en tête : puisque l’enfer, c’est l’autre, je vais lui faire vivre l’enfer pour être en sécurité. Dans un conflit où l'idéal de sécurité se substitue systématiquement à l'idéal de justice et du droit. Comme la violence appelle la violence, cette spirale infernale s’applique à tout type de menace, conflit ou guerre, notamment asymétrique. C’est ainsi que pour un même conflit, on peut avoir deux points de vue totalement opposés. Selon que l’on s’identifie à l’idéal du camp de la victime ou à celui de l’agresseur, on prend parti de camper et de peser, de tout son poids, sur une position intangible.
La frontière entre l’identification et l’empathie est aussi mince que celle entre l’amour et la haine… projetée. Idem entre le lâcher prise de l’ajustement créateur et le contrôle de l’ajustement conservateur. C’est à cette frontière paradoxale, lieu des dualités où tout peut basculer d’une polarité à l’autre que se trouve le siège des émotions ; au niveau du cerveau limbique. C'est là, à cette frontière-contact entre l'individu et son environnement, que tout se joue dans le réel. C'est aussi là, dans l’ici et maintenant, que l’ajustement créateur du médiateur peut intervenir pour élargir le champ des possibles. Pour créer, dans une écoute empathique, un pont catalyseur de liens de connexion des parties déconnectées. Ce qui revient à faire autre chose, autrement, dans un esprit progressif. Plutôt que faire encore plus de la même chose, dans un esprit de conservation. Ajustement et création sont les deux pôles d’un même processus, comme le mot crise en chinois, constitué de deux idéogrammes : danger et opportunité. La médiation est un processus d’ajustement créateur de solutions dans (squelette) dont l’ajustement créateur en définit la posture du corps et de l’état d’esprit du processus de médiation.
Le Médiateur en Action : Un Catalyseur de la Liberté d'Expression dans le Processus de Médiation
L’ajustement créateur est à la médiation ce que l’ajustement conservateur est à la zone de (d’in)confort. Les deux faces d’une même pièce. Yin et yang. L’ajustement créateur – par son approche systémique et humaniste, gagnant-gagnant – est un atout indissociable pour transcender les dualités et les polarités afin de sortir de l’impasse due aux dérives de l’ajustement conservateur. L’ajustement créateur est à la pensée divergente ce que l’ajustement conservateur est à la pensée convergente. Ajustement conservateur qui reprend toujours sa place une fois sorti de l’impasse pour respecter l’équilibre entre les deux types d’ajustement/parties, quelles que soient leurs op/positions. L’ajustement créateur étant le garde-fou des dérives de l’ajustement conservateur. Et vice versa. Ce qui donne tout son sens au rôle de catalyseur du médiateur. Il ne s’agit pas de jeter les bébés – frères jumeaux, plongés dans l’effet miroir – avec les eaux troubles du bain. Pour autant, quand le monde est contaminé par ces sources conservatrices de dysfonctionnements, il serait peut-être temps de revoir les modes de résolutions conservateurs de conflits actuels si l’on veut préserver l’avenir de tous nos enfants, sans aucune discrimination. Pour déraciner les conflits, latents et larvés, présents et à venir : osons cultiver les droits de l’enfant pour récolter les droits de l’homme. Si tant est que l’on veut couper court à la violence.
L’ajustement conservateur est une posture et un état d’esprit fixes, limité par les représentations de ses limites ; son cadre de référence. L’ajustement créateur – qui est également un atout de la métacommunication, de la communication non violente et autres modes alternatifs/amiables de résolution de conflits – est une posture et un état d’esprit de croissance, d’ouverture aux autres, qui agit dans le respect sur le « comment » en catalyseur de solutions positives, avec des outils clés illimités pour ouvrir l’espace des mentalités. Parler « à » plutôt que parler « de » : face à face plutôt que dans le dos. Cela implique un courage et une remise en cause de chacune des parties pour s’ouvrir au dialogue, à l’écoute active, portes de sortie du conflit. Tant la quête de la paix et de l’entente mutuelle réclame un engagement constant et une bonne dose de résilience face aux conflits qui font partie de la nature humaine. Avec l'idée que toute transformation sociale nécessite une liberté d’expression dans une participation active de chacun de nous. Dans un esprit libre ; libre d’esprit. La liberté d’expression est à la médiation ce que l’oxygène est à l’eau : vitale. C’est cette liberté qui donne à l’accord de médiation son oxygène. De la même façon que le cerveau a besoin d’oxygène pour irriguer le cœur et le corps, pour respirer et vivre. Sans cet oxygène, un accord de médiation serait comme une molécule d’eau (H2O) privée d’oxygène, et dont il ne resterait que deux hydrogènes. Deux bombes à retardement, visant à dénoncer l’accord basé sur les non-dits. Il en est de même pour les sujets sensibles et tabous : le médiateur est un catalyseur d’expression libre qui permet au processus de médiation de respirer.
"Le Monde a Besoin de Médiateurs » : Une Chanson pour la Paix et la mediation
Être médiateur dans l’âme tant la médiation est un art. C’est ainsi qu’être médiateur est bien plus une posture et un état d’esprit, plutôt qu’un titre. Un titre qui n’est pas forcément la fonction. Il va de soi que, moins le médiateur est contaminé – par les quatre mécanismes de défense du moi, cités ci-dessus – plus il est à même de décontaminer les parties en cause dans le processus de médiation ; pour les amener à se remettre en question, afin de les aider à sortir du conflit qui les oppose. Est-ce à dire que le diplôme de médiateur est un gage de cette décontamination ? La question se pose, non seulement dans le processus de médiation, mais également dans la vie de tous les jours, où le savoir-être est plus important que le savoir-faire. Le monde a bien plus besoin de modèles que de diplômes, ou de titres. D’où l’intérêt de se remettre en cause ensemble au sujet de ces contaminations responsables des dysfonctionnements du moi, de nous, et par conséquent, du monde. À moins d’éluder la remise en question par la méconnaissance du problème. Ce qui aurait pour effet d’alimenter l’ajustement conservateur qui impose la politique des trois singes : « ne pas voir le mal, ne pas entendre le mal, ne pas dire le mal ». L’objectif étant d’entretenir un système coupable où personne n’est responsable. Dans l’indifférence générale. Ce à quoi l’esprit libre de l’ajustement créateur dirait, dans sa liberté de penser : « Mais que fait la police » quand le monde est embourbé dans des conflits géopolitiques constants ? Cui bono ? » : « À qui cela profite-t-il ? » Puis, n’ayant pas de réponse - et face à la passivité ambiante des quatre grands pouvoirs qui dirigent le monde - imagine une option ouverte sur l’avenir, une porte de sortie sous forme d’un constat d’alerte : « Le monde a besoin de médiateurs » pour donner une chance à la colombe de s’envoler loin de cette cage où elle est prise en otage.
Au regard de ce qui se passe – ici et là-bas dans le monde, où l’on se bat toujours quelque part – d’aucuns diront que ma ballade musicale est une cause perdue d'avance, voire une incantation symbolique. Mais c'est ma contribution. Ma part d'ajustement créateur, sous forme d'une chanson pour la paix dans le monde : "Le monde a besoin de médiateurs", où l’esprit de la médiation et ses principaux concepts sont développés à travers deux langages universels : La musique et la danse. Union du corps et de l’esprit. Pour rendre la culture de la médiation dans une réalité accessible à tous. Tant c’est primaire – de l’accouchement aux Ehpad – sous le signe du lien entre les générations. La musique pour adoucir les mœurs de nos trois cerveaux : reptilien, limbique et néocortex. La danse pour que cette carte du tendre reflète, au rythme de nos accords, l’union du territoire des cinq continents du monde. Pour composer un hymne universel d’amour et de paix : les deux seuls états au monde qui ont le pouvoir d’en assurer la sécurité.
Comme tout finit en chansons, quoi donc de plus rassembleur que la musique !? Pour que ce monde en interdépendance puisse s’écouter et s’entendre à travers une symphonie, un mouvement musical où chaque être est compris comme une note de musique, avec un bémol à la clé sur notre ego. Un mouvement où l’unité dans la diversité bat pour un chœur plus grand que celui de l’uniformité. Un chœur où toutes les parties responsables sont volontaires pour offrir au monde ce concert. Ensemble. En harmonie porteuse d’espoir, pour donner naissance aux ajustements créateurs d’un monde meilleur. Plus grand que la somme de ses parties. À travers l’émergence de toutes les expressions artistiques, plurielles et multiculturelles. Une vision holistique, inspirée par un rêve éveillé dans une réalité où il y a autant de place pour la diversité qu'il y a d'espace dans les mentalités.
Abder AIT OUALI
Expert – Analyste – Magistrat – Médiateur – Membre du CA de GEMME-France
Membre du CA de l’AME – Association des Médiateurs Européens
Auteur compositeur interprète – Président de l’association « Atout diversité »
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